Un impact sur l’attention et la mémoire

Les sen­sa­tions pos­i­tives recher­chées lors de la prise de cannabis, comme la détente ou l’euphorie, sont révéla­tri­ces de mod­i­fi­ca­tions du fonc­tion­nement cérébral. Ces dernières englobent encore d’autres effets non désirés comme les prob­lèmes de mémoire ou le manque d’attention.

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Cannabis et chimie du cerveau

L’interaction entre le cannabis et le cerveau est com­plexe. En ce qui con­cerne la mémoire, de nom­breuses études sci­en­tifiques ont appro­fon­di notre com­préhen­sion de la manière dont le THC peut altér­er son fonc­tion­nement. 

Des change­ments dans l’hippocampe des souris à la suite de l’administration de THC ont été remar­qués. Ils pou­vaient être appar­en­tés à des dif­fi­cultés de mémori­sa­tion à court terme, par­ti­c­ulière­ment lorsque de la con­cen­tra­tion est req­uise. Ce même type d’effet a été con­staté chez l’humain.1

Sous cannabis, cer­taines per­son­nes voient ain­si leur atten­tion dimin­uer, spé­ciale­ment pour les tâch­es longues et ennuyeuses. Elles éprou­vent des dif­fi­cultés à se remé­mor­er des listes de mots et à réa­gir dans le temps impar­ti.2

Cannabis et déficit attentionnel

Les con­som­mat·eurs·ices chroniques de cannabis sont par­fois perçu·e·s comme ayant des trou­bles de la mémoire, de l’attention et de la ges­tion d’informations com­plex­es. Qu’en est-il réelle­ment ? 

Des études3 4 se sont intéressées à l’effet du cannabis sur l’activité cérébrale, notam­ment celle mobil­isée par les tâch­es d’attention visuelles et audi­tives. Les cerveaux d’individus adultes con­som­mant régulière­ment et depuis longtemps (5 joints par semaine durant plus de deux ans) se réor­gan­isent et l’activité du cervelet (zone impliquée dans la coor­di­na­tion des mou­ve­ments) dimin­ue. Cepen­dant, les per­for­mances sont impos­si­bles à dis­tinguer des non-con­som­mat·eurs·ices sur la majorité des tests.3 Le cerveau sem­ble donc utilis­er des mécan­ismes com­pen­satoires pour rester fonc­tion­nel.3

Que penser de l’association avec le TDAH ? 

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Con­cer­nant le TDAH (trou­ble du déficit de l’at­ten­tion) chez l’ado­les­cent·e et l’adulte, on retrou­ve un lien très mar­qué avec la con­som­ma­tion de cannabis. Le TDAH est un trou­ble impliqué dans l’usage de cannabis et 37% des con­som­mat·eurs·ices chroniques en sont atteint·e·s.5

Une étude à petite échelle sur 15 per­son­nes vivant avec ce trou­ble tend à prou­ver que le cannabis aurait des effets de réduc­tion de l’hyperactivité et de l’impulsivité.6 Mal­gré tout, l’étude n’est pas de très haute qual­ité et plus de recherch­es seraient néces­saires pour éval­uer l’effet du cannabis sur les per­son­nes avec un TDAH.5

Cannabis et mémoire 

En se con­cen­trant unique­ment sur les résul­tats sci­en­tifiques de haute qual­ité, les domaines de l’apprentissage et de la mémoire sont les seuls affec­tés à long terme même après l’arrêt du cannabis.7 Ces effets sont rel­a­tive­ment faibles mais tout de même per­cep­ti­bles. En ce qui con­cerne les con­séquences sous les effets aigus du cannabis, une analyse sys­té­ma­tique con­clut que l’usage oral de THC à dose faible à moyenne ne sem­ble pas affecter la mémoire. En revanche, l’usage à long terme de cannabis vapor­isé ou fumé a des effets notoires sur la mémori­sa­tion. Il s’agirait donc d’un effet dose-dépen­dant : des fortes dos­es absorbées rapi­de­ment peu­vent induire des dif­fi­cultés des mémori­sa­tion.8

 La mémoire sem­ble surtout affec­tée pour les tâch­es com­plex­es et prospec­tives (dans le but de faire une action). Par exem­ple, se sou­venir d’une asso­ci­a­tion de deux mots ou d’un évène­ment passé n’est pas par­ti­c­ulière­ment com­pliqué sous l’effet du cannabis. Les dif­fi­cultés appa­rais­sent surtout dans les tests néces­si­tant des cal­culs avec des chiffres mémorisés ou des listes de mots à restituer à l’écrit.9

Les effets du cannabis sont-ils réversibles à long terme ? 

On sait que plus l’intoxication a été impor­tante au cours de la vie (fréquence, dose, péri­ode de con­som­ma­tion régulière élevées), plus la détéri­o­ra­tion de la fonc­tion cog­ni­tive per­siste après l’arrêt de la prise.10 Cette obser­va­tion peut être imputée à deux fac­teurs dif­férents : Une présence résidu­elle de THC et/ou une altéra­tion des fonc­tions neu­ronales. 

Des études ont ten­té de déter­min­er le temps d’abstinence néces­saire à ce que les fonc­tions cog­ni­tives revi­en­nent à la nor­male, en analysant d’une part des résul­tats de tests effec­tués par des adultes n’ayant jamais expéri­men­té le cannabis, et d’autre part des tests réal­isés par des con­som­mat·eurs·rices chroniques. Ces travaux ont démon­tré qu’après sept jours d’abstinence, les fum·eurs·euses étaient moins performant·e·s dans des tâch­es requérant la mémoire ver­bale que les non-fum·eurs·euses. Après 28 jours d’ab­sti­nence, le niveau des deux groupes était sim­i­laire.11

En ce qui con­cerne le QI, des résul­tats sim­i­laires ont été obtenus sur des jeunes adultes (entre 17 et 21 ans). Les con­som­mat·eurs·rices chroniques avaient une baisse de 5 points de QI com­paré à la norme, mais cette baisse a été réversible après 3 mois d’abstinence. Il en va de même pour la vitesse d’exécution et les capac­ités de mémori­sa­tion.12

Cannabis, adolescence et QI

Dans le cas d’une con­som­ma­tion de cannabis effec­tuée tôt dans l’adolescence et de façon impor­tante, une faible diminu­tion de cer­taines fac­ultés intel­lectuelles pour­rait s’avérer per­ma­nente. Une récente méta-étude con­clut qu’une perte d’environ 2 points de QI est remar­quée chez les con­som­mat·eurs·rices chroniques de longue date même après l’arrêt de la con­som­ma­tion.13

Cepen­dant, de nom­breux fac­teurs pour­raient expli­quer cette faible dif­férence, tels que le niveau d’éducation, le con­texte famil­ial, le plus haut taux de per­son­nes souf­frant de trou­bles psy­chi­a­triques chez les con­som­ma­teurs et con­som­ma­tri­ces chroniques, etc… L’écart est suff­isam­ment faible pour qu’il ne soit pas con­sid­éré comme réelle­ment sig­ni­fi­catif.13

Comme expliqué dans la par­tie sur le déficit atten­tion­nel, le cerveau est remar­quable­ment capa­ble de se réor­gan­is­er pour assur­er ses fonc­tions. Il n’est pas impos­si­ble que le cannabis ait des con­séquences sur d’autres plans psy­chologiques ou cog­ni­tifs, mais le QI ne sem­ble pas réelle­ment en faire par­tie. 

  1. Broy­d­HY­PER­LINK « https://doi.org/10.1016/j.biopsych.2015.12.002 » , S. J., van Hell, H. H., Beale, C., Yücel, M., & Solow­ij, N. (2016). Acute and Chron­ic Effects of Cannabi­noids on Human Cognition‑A Sys­tem­at­ic Review. Bio­log­i­cal Psy­chi­a­try, 79(7), 557‑567.[]
  2. Broyd, S. J., van Hell, H. H., Beale, C., Yücel, M., & Solow­ij, N. (2016). Acute and Chron­ic Effects of Cannabi­noids on Human Cognition‑A Sys­tem­at­ic Review. Bio­log­i­cal Psy­chi­a­try, 79(7), 557‑567.[]
  3. Mar­i­jua­na use is asso­ci­at­ed with a reor­ga­nized visu­al-atten­tion net­work and cere­bel­lar hypoac­ti­va­tion — PubMed. (s. d.).[][][]
  4. Kem­pel, P., Lampe, K., Parne­fjord, R., Hen­nig, J., & Kunert, H. J. (2003). Audi­to­ry-evoked poten­tials and selec­tive atten­tion : Dif­fer­ent ways of infor­ma­tion pro­cess­ing in cannabis users and con­trols. Neu­ropsy­chobi­ol­o­gy, 48(2), 95‑101.[]
  5. Dhami­ja, D., Bel­lo, A. O., Khan, A. A., Gut­la­pal­li, S. D., Sohail, M., Patel, P. A., Mid­ha, S., Shuk­la, S., & Mohammed, L. (s. d.). Eval­u­a­tion of Effi­ca­cy of Cannabis Use in Patients With Atten­tion Deficit Hyper­ac­tiv­i­ty Dis­or­der : A Sys­tem­at­ic Review. Cureus, 15(6), e40969.[][]
  6. Coop­er, R. E., Williams, E., See­gob­in, S., Tye, C., Kuntsi, J., & Ash­er­son, P. (2017). Cannabi­noids in atten­tion-deficit/hy­per­ac­tiv­i­ty dis­or­der : A ran­domised-con­trolled tri­al. Euro­pean Neu­ropsy­chophar­ma­col­o­gy, 27(8), 795‑808.[]
  7. Grant, I., Gon­za­lez, R., Carey, C. L., Natara­jan, L., & Wolf­son, T. (2003). Non-acute (resid­ual) neu­rocog­ni­tive effects of cannabis use : A meta-ana­lyt­ic study. Jour­nal of the Inter­na­tion­al Neu­ropsy­cho­log­i­cal Soci­ety : JINS, 9(5), 679‑689.[]
  8. Wieghorst, A., Roessler, K. K., Hen­dricks, O., & Ander­sen, T. E. (2022). The effect of med­ical cannabis on cog­ni­tive func­tions : A sys­tem­at­ic review. Sys­tem­at­ic Reviews, 11, 210.[]
  9. Ear­ley­wine, M. (2002). Under­stand­ing mar­i­jua­na : A new look at the sci­en­tif­ic evi­dence. Oxford Uni­ver­si­ty Press.[]
  10. Cannabis effects on brain struc­ture, func­tion, and cog­ni­tion : Con­sid­er­a­tions for med­ical uses of cannabis and its deriv­a­tives — PMC. (s. d.).[]
  11. Pope, H. G., Gru­ber, A. J., Hud­son, J. I., Huestis, M. A., & Yurgelun-Todd, D. (2001). Neu­ropsy­cho­log­i­cal per­for­mance in long-term cannabis users. Archives of Gen­er­al Psy­chi­a­try, 58(10), 909‑915.[]
  12. Fried, P. A., Watkin­son, B., & Gray, R. (2005). Neu­rocog­ni­tive con­se­quences of mar­i­hua­na — A com­par­i­son with pre-drug per­for­mance. Neu­ro­tox­i­col­o­gy and Ter­a­tol­ogy, 27(2), 231‑239.[]
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