Depuis des décennies, une croyance persiste : le cannabis serait une porte d’entrée vers la consommation de substances plus dangereuses, parfois appelées « drogues dures ». Les recherches sur le sujet sont toutefois sceptiques quant à cette théorie connue sous le nom d’«effet passerelle ».
Consommation d’autres substancesL’effet passerelle
Drogues dures ou douces
Avant tout, il est important de comprendre que la distinction entre « drogues dures » et « drogues douces » repose davantage sur des représentations culturelles et historiques que sur des bases scientifiques solides. Ces termes ont été popularisés par des articles des années 1960 associant les drogues dures aux classes sociales défavorisées.1 En réalité, il n’y a aucune définition officielle de ce qui sépare les drogues dures et douces.2
Prenons l’exemple de l’alcool : il répond à tous les critères associés aux drogues dures (mis à part sa légalité arbitraire) et pourtant, il est presque systématiquement classé par la littérature scientifique comme une drogue douce.2 Cette classification pose question et nombre d’expert·es du domaine des addictions estiment qu’elle devrait être abandonnée au profit d’une approche plus nuancée, basée sur les effets réels des substances et les contextes de consommation.
Une indication peu fiable
L’effet passerelle, soit l’idée que le cannabis mène systématiquement à la consommation de drogues plus dures, est souvent débattue. On peut certes trouver, dans la littérature scientifique, des corrélations entre la consommation de différentes drogues. Par exemple, les personnes qui fument du cannabis ont effectivement tendance à consommer plus de cocaïne que la population générale.3 Mais attention : corrélation ne signifie pas causalité. De nombreux facteurs peuvent expliquer pourquoi une personne consomme à la fois du cannabis et d’autres substances, sans que le cannabis en soit la cause directe. En voici quelques-uns :
- Un environnement social, familial ou professionnel difficile
- Des prédispositions génétiques aux addictions ou aux comportements à risques
- La facilité d’accès à d’autres substances une fois qu’on sait où s’en procurer
- La curiosité pour les états de conscience modifiés
- L’imitation du comportement d’autres personnes qui consomment
- …
Il est également fréquent que certaines substances soient consommées ensemble pour leurs effets conjoints. Par exemple, l’alcool et le cannabis peuvent entraîner un renforcement mutuel, modifiant les sensations et les comportements.
La consommation de cannabis n’est donc qu’un élément parmi les autres, et pas un prédicteur fiable pour conclure à des consommations d’autres drogues illicites dans le futur.
- Klein, J., & Phillips, D. L. (1968). From Hard to Soft Drugs : Temporal and Substantive Changes in Drug Usage Among Gangs in a Working-Class Community. Journal of Health and Social Behavior, 9(2), 139‑145.[↑]
- Janik, P., Kosticova, M., Pecenak Prof, J., & Turcek, M. (2017). Categorization of psychoactive substances into “hard drugs” and “soft drugs” : A critical review of terminology used in current scientific literature. The American Journal of Drug and Alcohol Abuse, 43(6), 636‑646.[↑][↑]
- National Academies of Sciences, E., Division, H. and M., Practice, B. on P. H. and P. H., & Agenda, C. on the H. E. of M. A. E. R. and R. (2017). Cannabis Use and the Abuse of Other Substances. In The Health Effects of Cannabis and Cannabinoids : The Current State of Evidence and Recommendations for Research. National Academies Press (US).[↑]
