Si la consommation de cannabis a la réputation d’avoir peu d’emprise, la réalité est plus nuancée et elle peut entraîner une addiction. Avant de redouter ce diagnostique, il est toutefois important de bien définir le terme et ce qu’il implique.
Quand est-ce que la consommation devient problématique ?L’addiction au cannabis, ça recouvre quoi ?
Termes différents, comportements différents
Une personne qui consomme du cannabis tous les jours n’est pas forcément dépendante. En effet, la dépendance est un terme précis qui ne s’applique qu’au tiers des personnes fumant quotidiennement.1 Elle désigne un état d’adaptation du corps ou du cerveau à une substance. On parle de dépendance physique quand l’organisme s’habitue à une substance et manifeste des symptômes de sevrage lorsqu’on l’arrête (par exemple, irritabilité, troubles du sommeil, etc.). Voici donc quelques définitions et réflexions autour des termes de dépendance et d’addiction.
Il est courant de distinguer dépendance physique et psychique en fonction des effets lors du sevrage. En général, on considère la dépendance physique au THC comme plutôt mineure et la dépendance psychologique (et émotionnelle) comme plus difficile à surmonter.
Néanmoins, 10 – 25% des personnes consommant régulièrement du cannabis développeraient une dépendance physique et la gravité de celle-ci dépend aussi du taux de THC contenu dans le cannabis consommé.2
En quelques mots, la dépendance se forme au moment où une consommation est suffisamment intense pour causer des effets désagréables en cas d’arrêt. La dépendance n’est pas à confondre avec l’addiction. Cette dernière se caractérise par des difficultés importantes à se passer d’une substance malgré des conséquences néfastes ou crée une souffrance. Toutefois, ni l’addiction ni la dépendance ne se définissent uniquement par une haute fréquence de consommation.
Médicalement, les termes d’addiction et de dépendance ne sont pas clairement définis en tant que diagnostics, et le terme de « trouble d’utilisation du cannabis » leur est préféré.3
Addiction ou dépendance : caractéristiques
Une addiction réunit plusieurs éléments. Tout d’abord, elle implique une perte de maîtrise du comportement de consommation. Elle est généralement accompagnée d’un craving, soit une envie de consommer soudaine, intense et difficile à contrôler. De plus, la personne en situation d’addiction cherche à poursuivre ses consommations malgré les méfaits qu’elle occasionne.
La dépendance se développe souvent à cause de la tolérance — c’est-à-dire l’accommodement du corps à la substance, qui demande d’en consommer davantage pour ressentir les mêmes effets. Elle s’accompagne généralement de symptômes de sevrage, qui apparaissent à l’arrêt ou à la réduction de la consommation. Les symptômes de sevrage typiques, tels qu’insomnies, maux de tête, fatigue et irritabilité, surviennent couramment.
Une dépendance peut conduire à une addiction, tout comme une addiction peut s’accompagner de — ou évoluer vers — une forme de dépendance. Les deux peuvent être liées, mais l’un ne suppose pas systématiquement l’autre.
La question de l’addiction peut être abordée sous deux angles. Le premier angle se réfère aux théories de l’apprentissage (le conditionnement); le second est lié aux critères de diagnostic.
L’addiction : deux angles pour l’aborder
Addiction et conditionnement
Globalement, une personne qui consomme une substance peut rechercher deux types de récompense : un effet positif direct, par exemple du plaisir, ou indirect, par la diminution d’un inconfort psychologique ou interne.
Le maintien de la consommation peut être expliqué par la théorie du conditionnement. Celle-ci repose sur l’idée que les comportements associés à des conséquences positives — c’est-à-dire perçus comme des récompenses — ont tendance à se répéter naturellement. C’est un procédé qui n’est pas fondamentalement mauvais et nous permet par exemple de continuer à cuisiner (comportement) pour manger un bon plat (récompense). Dans la même logique, préparer et consommer du cannabis est associé chez certaines personnes à un sentiment de plaisir ou à la diminution d’un inconfort via un effet relaxant.
Si l’initiation au cannabis se solde par une expérience positive telle qu’un sentiment de bien-être, alors une personne sera tentée de reproduire l’expérience. De plus, lorsqu’une personne se retrouve dans un contexte similaire (par exemple, repasser dans un lieu où elle achetait du cannabis), le souvenir de l’expérience passée lui reviendra. Cela augmentera le risque d’apparition d’une envie de consommer.
L’addiction correspond au moment où ce conditionnement répété devient une nécessité au point d’occuper un espace important dans les pensées et, de façon générale, dans la vie d’une personne, malgré les conséquences négatives. Ce phénomène pourrait parfois être favorisé par la survenue d’événements difficiles ou leur succession. Ceux-ci favorisent l’instauration de certains conditionnements, par exemple grâce au soulagement ressenti.
Critères pour diagnostiquer une addiction
Officiellement, pour définir si une personne possède un trouble d’utilisation de substance, les médecins se réfèrent le plus souvent à une classification. Les deux classifications principalement utilisées sont le DSM‑V (Diagnostic and Statistic Manual — Revision 54) et la CIM10 (Classification Internationale des Maladies, 10ème édition).
Le DSM‑V possède plusieurs critères importants pour classifier un trouble d’usage du cannabis. Voici quelques points importants qui caractérisent ce trouble :
- Il faut que l’usage de cannabis produise une altération du fonctionnement ou une souffrance de l’individu pendant au moins 12 mois
- Ce diagnostic a plusieurs niveaux d’intensité : léger, modéré et sévère selon le nombre de symptômes ressentis
- Il prend en compte entre autres des effets négatifs lors du sevrage, différents impacts du cannabis sur la vie de la personne qui consomme, ainsi que la notion de désir et de difficulté à arrêter
Si vous vous reconnaissez dans ces symptômes ou que vous souhaitez faire le point sur votre consommation de cannabis, n’hésitez pas à prendre contact avec un·e professionnel·le des addictions.
- Connor, J. P., Stjepanović, D., Le Foll, B., Hoch, E., Budney, A. J., & Hall, W. D. (2021). Cannabis use and cannabis use Disorder. Nature reviews. Disease primers, 7(1), 16.[↑]
- The cannabis withdrawal syndrome : Current insights — PMC. (s. d.).[↑]
- Critères diagnostiques du trouble d’utilisation du cannabis (DSM‑5). (2017, avril 17). Psychomédia.[↑]
- Critères diagnostiques du trouble d’utilisation du cannabis (DSM‑5). (2017, avril 17). Psychomédia.[↑]
