Une proportionnalité qui n’a pas valeur de preuve 

La psy­chose se retrou­ve dans plusieurs mal­adies men­tales sévères et inval­i­dantes se car­ac­térisant par une perte de con­tact avec la réal­ité (par exem­ple la schiz­o­phrénie). Par­mi les per­son­nes souf­frant de psy­chose, le taux de consommat·eurs·rices de cannabis est env­i­ron deux fois plus élevé que dans la pop­u­la­tion générale.1 Mais comme pour la dépres­sion, la ques­tion fait tou­jours débat : le cannabis joue-t-il un rôle dans le déclenche­ment de la psychose ?

Effets psy­chiques

Définition

La psy­chose cor­re­spond à un manque de dis­cerne­ment entre le réel et l’imaginaire. Elle s’accompagne de cer­tains trou­bles psy­chiques dans lesquels on retrou­ve sou­vent des symp­tômes tels que :2

  • des hal­lu­ci­na­tions audi­tives ou visuelles
  • des idées déli­rantes, par­fois para­noïaques 
  • un sen­ti­ment de per­sé­cu­tion  
  • des mou­ve­ments agités ou imprévis­i­bles (cata­tonie)  
  • une dés­in­té­gra­tion pro­gres­sive de la per­son­nal­ité 

En ce qui con­cerne la schiz­o­phrénie, elle s’accompagne sou­vent d’autres trou­bles, appelés « symp­tômes négat­ifs », par­mi lesquels : 

  • une altéra­tion des per­for­mances sociales, cog­ni­tives et pro­fes­sion­nelles : dif­fi­cultés à main­tenir un emploi sta­ble, à résis­ter à la pres­sion d’un tra­vail stres­sant 
  • des dif­fi­cultés dans leurs rela­tions avec les autres 
  • de l’isolement social 

Relation entre cannabis et psychose 

His­torique­ment, la ques­tion s’est posée pour la pre­mière fois dans une étude effec­tuée sur un très grand nom­bre de conscrit·e·s suédois·e·s suivi·e·s pen­dant 15 à 18 ans. Le groupe, for­mé des plus grands fum·eurs·euses de cannabis (plus de 50 joints con­som­més avant dix-huit ans), a attiré l’at­ten­tion des sci­en­tifiques, qui s’est ren­du compte que ce groupe a dévelop­pé six fois plus de psy­choses par la suite que des non-fum·eurs·euses.3

Dans les faits, cette étude a été con­testée. Un grand nom­bre de fac­teurs de con­fu­sion pos­si­bles ont été con­sid­érés par la suite : sexe, âge, géné­tique, antécé­dents de psy­chose, niveau d’é­d­u­ca­tion, per­son­nal­ité et Q.I. On peut même encore par­ler d’affiliations avec un entourage déviant, de trou­bles de la con­duite, du fonc­tion­nement social, des abus d’autres sub­stances, de l’âge des par­ents ou leur divorce, de change­ments dans la famille, de l’attachement aux par­ents, de l’abus de sub­stances par les par­ents, d’autres fac­teurs socio-économiques, d’abus sex­uels et vio­lences, de trau­ma­tisme dans l’en­fance, etc…4 En bref, tous ces fac­teurs pour­raient men­er simul­tané­ment à la con­som­ma­tion de cannabis et au développe­ment de psy­chose, sans pour autant qu’il existe un lien direct entre les deux. En pra­tique, seul un faible pour­cent­age sera affec­té (1 – 3% 5).

Il a tout de même été remar­qué que l’association est plus forte lors de l’adolescence.5 Dans la pos­si­bil­ité que cette rela­tion s’avère causale, il est préférable d’attendre au moins 18 ans avant de con­som­mer du cannabis.5 Ceci est d’autant plus val­able en cas de sen­si­bil­ité plus élevée à la psy­chose, à la schiz­o­phrénie ou à d’autres trou­bles mentaux.

Autres études 

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D’autres travaux ont suivi, essayant d’exclure les plus impor­tants de ces fac­teurs con­fon­dants. Mais il est impos­si­ble de tous les éclipser, et il s’agit d’une lim­ite majeure de ce type d’études, qui se basent unique­ment sur de l’observation. Le seul moyen d’éviter ces biais serait de faire con­som­mer du cannabis à des jeunes avec des prédis­po­si­tions à la schiz­o­phrénie, ce qui est bien évidem­ment abject et dan­gereux en terme d’éthique.

Comme alter­na­tive plus accept­able, la recherche s’intéresse par­ti­c­ulière­ment aux vul­néra­bil­ités géné­tiques, qui influ­en­cent à la fois la schiz­o­phrénie et la con­som­ma­tion de cannabis.

Tous ces travaux ne prou­vent pas que chaque consommat·eur·rice de cannabis dévelop­pera une mal­adie men­tale. Il n’y a en effet tou­jours pas d’évidence que le cannabis cause ou non des psychoses.

En conclusion

Le lien de causal­ité entre le cannabis et la schiz­o­phrénie n’est tou­jours pas claire­ment établi. Il est cer­tain qu’il y a plus de per­son­nes qui fument du cannabis chez les in souf­frant d’un trou­ble psy­cho­tique, mais cela n’indique pas encore que le cannabis soit respon­s­able de l’ap­pari­tion de ce prob­lème. La pru­dence reste de mise pour les adolescent·e·s, chez qui l’association entre psy­chose et schiz­o­phrénie est par­ti­c­ulière­ment mar­quée.

  1. Hasan, A., von Keller, R., Friemel, C. M., Hall, W., Schnei­der, M., Koethe, D., Leweke, F. M., Strube, W., & Hoch, E. (2020). Cannabis use and psy­chosis : A review of reviews. Euro­pean Archives of Psy­chi­a­try and Clin­i­cal Neu­ro­science, 270(4), 403‑412.[]
  2. Arcin­ie­gas, D. B. (2015). Psy­chosis. Con­tin­u­um : Life­long Learn­ing in Neu­rol­o­gy, 21(3 Behav­ioral Neu­rol­o­gy and Neu­ropsy­chi­a­try), 715‑736.[]
  3. Andréas­son, S., Engström, A., Alle­beck, P., & Ryd­berg, U. (1987). CANNABIS AND SCHIZOPHRENIA A Lon­gi­tu­di­nal Study of Swedish Con­scripts. The Lancet, 330(8574), 1483‑1486.[]
  4. Fer­gus­son, D. M., Poul­ton, R., Smith, P. F., & Boden, J. M. (2006). Cannabis and psy­chosis. BMJ, 332(7534), 172‑175.[]
  5. Arse­neault, L., Can­non, M., Poul­ton, R., Mur­ray, R., Caspi, A., & Mof­fitt, T. E. (2002). Cannabis use in ado­les­cence and risk for adult psy­chosis : Lon­gi­tu­di­nal prospec­tive study. BMJ, 325(7374), 1212‑1213.[][]