Une diversité d’effets

Le cannabis a des effets com­plex­es sur notre sys­tème de défense naturel. Le THC peut affaib­lir cer­taines répons­es immu­ni­taires tout en ayant des pro­priétés anti-inflam­ma­toires. Ces effets con­tra­dic­toires dépen­dent de nom­breux fac­teurs : dose, fréquence de con­som­ma­tion, méth­ode d’usage et état de san­té de la personne.

Comment le cannabis agit-il sur nos défenses immunitaires ?

Le sys­tème immu­ni­taire se charge du main­tien de la san­té et de la défense de l’organisme lors d’intrusions de corps étrangers et pathogènes comme les virus, bac­téries ou par­a­sites. Il est com­posé de dif­férentes cel­lules (lym­pho­cytes, macrophages, etc) et de mes­sagers chim­iques pour leur com­mu­ni­ca­tion. Cha­cun de ces élé­ments pos­sède un rôle spé­ci­fique pour lut­ter con­tre les envahisseurs de notre organisme.

Le cannabis, prin­ci­pale­ment via le THC, inter­ag­it avec ce sys­tème de plusieurs façons :

Effets immunosuppresseurs 

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Le THC peut dimin­uer l’ac­tiv­ité immu­ni­taire de plusieurs manières :

  • Réduc­tion de la pro­duc­tion de cytokines (mes­sagers immunitaires)
  • Diminu­tion de l’ac­tiv­ité des lym­pho­cytes T et B
  • Altéra­tion de la fonc­tion des macrophages (cel­lules « nettoyeuses »)
  • Sup­pres­sion de la réponse inflam­ma­toire normale

État de la recherche sur les cannabinoïdes

Les cannabi­noïdes influ­en­cent vis­i­ble­ment le sys­tème immu­ni­taire, mais leurs effets dépen­dent de trois choses : le cannabi­noïde util­isé, la dose con­som­mée et le type de cel­lules exposées.

Les effets observés sont var­iés : mort ou acti­va­tion de cel­lules immu­ni­taires, change­ment de leur effi­cac­ité, mod­i­fi­ca­tion des mes­sagers chim­iques relâchés, etc1 Bien que cer­taines études attribuent aux cannabi­noïdes des actions immuno­sup­pres­sives, la recherche actuelle spécule encore et, mal­heureuse­ment, les études réal­isées ne sont pas assez robustes pour pou­voir affirmer quoi que ce soit.

THC et inflammation 

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Plusieurs études mon­trent que les cannabi­noïdes jouent un rôle clé dans la mod­u­la­tion de l’in­flam­ma­tion et la pro­tec­tion cel­lu­laire, y com­pris au niveau du cerveau, dans un cadre phar­ma­cologique. Des recherch­es récentes ont en par­ti­c­uli­er révélé que le sys­tème endo­cannabi­noïde exerce un effet neu­ro­pro­tecteur dans des sit­u­a­tions de trau­ma­tismes aigus, tels que les AVC. Ce rôle neu­ro­pro­tecteur s’é­tend égale­ment à des mal­adies neu­rodégénéra­tives chroniques, comme la mal­adie de Parkin­son, la sclérose en plaques et Alzheimer.2

Les phytocannabinoïdes : cancérigènes ou anticancérigènes ? 

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Les dys­fonc­tion­nements du sys­tème immu­ni­taire peu­vent entraîn­er divers­es patholo­gies, y com­pris le développe­ment de cel­lules can­céreuses. Ces dernières pos­sé­dent de nom­breux récep­teurs cannabi­noïdes. Plusieurs études ont révélé des rela­tions para­doxales entre les cannabi­noïdes et les can­cers : dans cer­tains cas, la pro­gres­sion tumorale est ralen­tie, tan­dis que dans d’autres cas, elle est accélérée sous l’in­flu­ence des cannabi­noïdes.3

Ces résul­tats apparem­ment con­tra­dic­toires peu­vent être expliqués par la com­plex­ité du sys­tème endo­cannabi­noïde, ain­si que par la grande diver­sité des types de can­cers étudiés.3 En général, les per­son­nes con­som­mant du cannabis ne sem­blent pas présen­ter de risque accru de dévelop­per des can­cers par rap­port aux non-consommat·eurs·ices, ni de réduc­tion sig­ni­fica­tive de ce risque.4

Conclusion

En résumé, il est évi­dent que les cannabi­noïdes peu­vent mod­uler le sys­tème immu­ni­taire. La con­som­ma­tion de cannabis, quelle qu’en soit la rai­son, peut donc avoir des con­séquences pour la san­té. Une acti­va­tion exces­sive du sys­tème immu­ni­taire peut con­duire à des mal­adies auto-immunes, tan­dis qu’une baisse de son activ­ité peut ren­dre l’or­gan­isme plus vul­nérable aux infec­tions et aux can­cers. Les con­séquences sont donc com­plex­es et peu­vent à la fois amélior­er et aggraver cer­taines conditions.

  1. Paci­fi­ci, R., Zuc­caro, P., Pichi­ni, S., Roset, P., Poude­vi­da, S., Far­ré, M., Segu­ra, J., & de la Torre, R. (2003). Mod­u­la­tion of the Immune Sys­tem in Cannabis Users [3]. JAMA : the jour­nal of the Amer­i­can Med­ical Asso­ci­a­tion, 289, 1929‑1931.[]
  2. The Endo­cannabi­noid Sys­tem as an Emerg­ing Tar­get of Phar­ma­cother­a­py — PMC. (s. d.).) Cepen­dant, ces effets sont spé­ci­fique­ment étudiés dans un con­texte thérapeu­tique et phar­ma­cologique, et non dans le cadre de la con­som­ma­tion récréa­tive de cannabis.

    Le rôle du CBD 

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    Le cannabid­i­ol (CBD), un autre com­posé du cannabis, pour­rait mod­uler notre sys­tème immu­ni­taire. Il présente un poten­tiel anti-inflam­ma­toire qui pour­rait être béné­fique dans le traite­ment de cer­taines mal­adies auto-immunes, telles que la sclérose en plaques, la fibromyal­gie ou les mal­adies inflam­ma­toires chroniques de l’intestin9. Toute­fois, ces hypothès­es reposent sur des obser­va­tions réal­isées en lab­o­ra­toire (in vit­ro) et sur des mod­èles ani­maux (in vivo), mais elles n’ont pas encore été con­fir­mées par des études clin­iques préalables.

    Selon une étude récente du chercheur en phar­ma­colo­gie médi­cale Ste­fano Mar­ti­ni et ses col­lègues pub­liée en 2023, le CBD serait capa­ble de réduire la migra­tion des macrophages et des neu­trophiles (des cel­lules avec un rôle clé dans l’inflammation) dans les tis­sus inflam­més et de baiss­er la pro­duc­tion de mes­sagers pro-inflam­ma­toires. De plus, cette sub­stance sem­ble pou­voir pro­téger les neu­rones par une action sur la microglie, des cel­lules immu­ni­taires se trou­vant dans le cerveau.

    Con­traire­ment à ce qu’on peut sou­vent lire, le CBD n’est pas dénué d’effets sec­ondaires. Il est notam­ment à éviter en cas de grossesse, comme la plu­part des anti-inflam­ma­toires. Il peut aus­si inter­a­gir avec de nom­breux médica­ments, provo­quant des sur- ou sous-dosages.((Doohan, P. T., Old­field, L. D., Arnold, J. C., & Ander­son, L. L. (2021). Cannabi­noid Inter­ac­tions with Cytochrome P450 Drug Metab­o­lism : A Full-Spec­trum Char­ac­ter­i­za­tion. The AAPS Jour­nal, 23(4), 91.[]

  3. Ladin, D. A., Soli­man, E., Grif­fin, L., & Van Dross, R. (2016). Pre­clin­i­cal and Clin­i­cal Assess­ment of Cannabi­noids as Anti-Can­cer Agents. Fron­tiers in Phar­ma­col­o­gy, 7, 361.[][]
  4. Nation­al Acad­e­mies of Sci­ences, E., Divi­sion, H. and M., Prac­tice, B. on P. H. and P. H., & Agen­da, C. on the H. E. of M. A. E. R. and R. (2017). Can­cer. In The Health Effects of Cannabis and Cannabi­noids : The Cur­rent State of Evi­dence and Rec­om­men­da­tions for Research. Nation­al Acad­e­mies Press (US).[]