Le cannabis est interdit dans les milieux sportifs car classé parmi les produits dopants. Pourquoi est-il considéré comme tel ? Que dit la réglementation en vigueur et qu’est-ce qui lui est parfois reproché ? Zoom sur le cannabis en compétition sportive.
Une réglementation claire, mais qui fait débat
Cannabis et dopage
Le dopage sportif a été défini ainsi en 1963, lors d’un colloque européen : « Est considéré comme dopage l’utilisation de substances et de tous moyens destinés à augmenter artificiellement le rendement en vue ou à l’occasion de la compétition, ce qui peut porter préjudice à l’éthique sportive et à l’intégrité physique et psychique de l’athlète ». Le cannabis figure sur la liste des produits prohibés du Comité International Olympique depuis le 28 avril 1998. L’Agence Mondiale Anti-Dopage (WADA) inclut quant à elle le cannabis dans sa liste de produits interdits depuis 2004. Toutefois, les cannabinoïdes ne sont interdits que lors des compétitions et les tests de dépistage ne peuvent se faire qu’à ce moment-là.
L’article 4 du code de la WADA établit que pour qu’une substance soit inscrite sur la liste des produits interdits, elle doit être un agent masquant d’autres produits ou répondre à au moins deux des trois critères suivants :
- potentiel à améliorer les performances sportives
- risque potentiel ou réel pour la santé
- violation de l’esprit du sport
Il a été décidé que le cannabis y répondait. Pourtant, cette drogue est fréquemment consommée par les athlètes. La WADA constate que les cannabinoïdes font partie des substances les plus souvent retrouvées lors des contrôles.1
Le cannabis améliore les performances ?
Le principe actif majoritaire du cannabis est le tétrahydrocannabinol (THC). Cette molécule pourrait se montrer utile pour certaines activités, car elle peut améliorer la relaxation musculaire et la vision, réduire l’anxiété ainsi que les souvenirs anxiogènes à faibles doses. Tous ces effets pourraient conduire à une amélioration des performances.2 On observerait aussi une amélioration du temps de sommeil et de la récupération.3
D’autres études ont montré que le cannabis modifiait la fréquence respiratoire, le rythme cardiaque et peut-être même l’oxygénation des tissus.1 Enfin, il est un analgésique qui pourrait permettre aux athlètes de travailler même en cas de blessures ou de douleurs provoquées par la fatigue de l’entraînement.1
Une enquête menée sur 1152 étudiant·e·s en sport en France a démontré que le cannabis était utilisé pour ses propriétés relaxantes et cela afin d’améliorer les performances sportives. Plus le niveau de compétition était élevé, plus le cannabis était sollicité.4
Des risques pour la santé ?
La WADA part du principe que le cannabis représente un risque potentiel ou réel pour la santé. Ses effets négatifs sur la cognition peuvent nuire aux compétences essentielles requises dans les sports à risques, notamment la prise de décision et la vigilance. Cela peut mener à des accidents ou des blessures et à de mauvaises performances.1 Bien que l’on admette une dépréciation des capacités pendant environ 8h, il existe des cas faisant rapport d’effets indésirables pendant 24h.
Enfin, la WADA considère que la consommation de cannabis est contraire à l’esprit du sport, caractérisé par plusieurs valeurs : éthique, honnêteté, respect des lois et des règles.
Une définition arbitraire ?
La notion de « dopant », à l’instar de celle de « drogue », reste un terme compliqué à définir d’un commun accord. Par exemple, le sucre améliore les performances sportives et peut produire des diabètes de type 2. Pourtant, il n’est pas considéré comme un dopant alors qu’il remplit tout à fait les critères de la WADA. L’usage de cannabis à but récréatif ou médical peut empêcher des athlètes de participer aux compétitions, ce qui peut être vu comme une pratique discriminante. De plus, les effets dopants du cannabis sont remis en question par différentes études expliquant que l’évidence concernant des effets avantageux du THC en compétition reste très faible.5 6
Les réglementations strictes en matière de contrôles anti-dopage peuvent parfois engendrer des effets inattendus et contre-productifs. Plusieurs expert·e·s établissent un parallèle entre cette politique de tolérance zéro et celle menée dans le cadre de la guerre contre la drogue.
Comment est détecté le cannabis
Lors des compétitions, les traces de cannabis sont analysées dans les urines. Le THC n’est pas directement recherché car il est un peu capricieux à détecter. Une fois consommé, il va se retrouver en contact avec le foie, qui va chercher à l’éliminer. C’est ainsi qu’est créée une nouvelle substance non psychoactive, le THC-COOH. C’est ce dernier qui est recherché, car le THC disparait trop rapidement pour donner des résultats fiables.7 Le seuil de détection est fixé par la WADA à 150 nanogrammes par millilitre d’urine.8 C’est un seuil bas ; c’est pourquoi certaines personnes consommant régulièrement du cannabis peuvent rester positives pendant plus de deux semaines.7 Cependant, les personnes exposées uniquement à de la fumée passive ne devraient pas être considéré·e·s comme positives, même juste après exposition.9
Si le premier test est positif, un deuxième test de confirmation plus long et plus précis est systématiquement réalisé.7 Cela permet d’éviter de faux positifs et aussi de vérifier plus précisément la quantité de THC-COOH présente.
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